Une Suédoise piquante !
Robert Menquet
Depuis cinq années que je fréquente les pays du cercle polaire arctique dont j’apprécie fortement les paysages, le calme de cette nature sauvage, la diversité de la faune et l’immensité de ses forêts, la gentillesse de ses habitants et ses merveilleuses rivières et lacs ; je ne pensais pas faire un jour une telle rencontre.
Je progressais en montant dans les roches de grès lorsque je suis « tombé » sur « elle ». Ma main l’a effleuré involontairement et sa réaction fut immédiate. Elle a « saisi » ma main et m’a piqué. La douleur ne fut pas violente, mais j’ai juste ressenti comme une petite piqûre d’aiguille à l’index de la main droite. Et je l’ai alors vue.
Piqué pour piqué je l’ai saisie et placée sur la roche où je l’ai immédiatement photographiée, elle était magnifique dans sa robe noire et grise avec des traits jaunes. Sans aucun ressentiment à son encontre je l’ai laissé s’en aller vers les abris des rocs.
Comme vous l’avez compris cette « gentille » suédoise n’était autre qu’un serpent. On ne pense pas en trouver dans ces régions où l’hiver les températures descendent à – 40 °C ; et pourtant il y en a !
Celle-ci était une Vipère Péliade, longue d’environ 45/50 cm et d’un beau tour de taille.
Je ne me suis pas affolé, seul je ne pouvais pas employer l’aspi venin que j’avais dans la voiture étant donné l’emplacement de la morsure. J’ai immédiatement placé un garrot peu serré entre la main et le coude, noté sur ma main l’heure de pose et suis allé rejoindre mon véhicule un peu éloigné avant de rouler 60 kms pour aller trouver près de mon domicile quelqu’un pour me conduire à l’hôpital, distant de 80 kms de là. J’ai tout suite prévenu que j’arrivais et le motif de ma demande d’aide.
Dans le secteur où je réside il n’y a ni docteur, ni infirmier, ni pharmacie. En roulant je constatais que mon bras grossissait de plus en plus en se raidissant, il se teintait aussi de bleu sombre et la douleur irradiait en montant de plus en plus dans mon bras, je ressentais aussi la fièvre m’envahir. A mon arrivée au domicile j’étais attendu et immédiatement une amie m’a aidé à monter dans son gros 4×4 VOLVO et à vitesse élevée elle m’a conduit à l’hôpital régional.
Je suis arrivé au service des urgences trois heures vingt après avoir été piqué. J’avais assez mal, le bras et la main étaient gonflés, je ne pouvais absolument pas les bouger et la fièvre était bien présente.
Immédiatement placé sous trois perfusions, on m’a fait comprendre qu’ils n’avaient pas de sérum sous la main, mais ils l’avaient commandé et devraient l’avoir très vite.
Effectivement, moins de 40 mn après un hélicoptère est venu apporter le sérum tant attendu (j’ai été époustouflé par la qualité des soignants et la vitesse de leur réactivité, un grand coup de chapeau à eux, merci).
Une fois le sérum injecté, je n’ai commencé à ressentir un mieux que trois heures après, à ce moment-là mon bras à commencé à lentement se dégonfler. Je n’ai pu recommencer à mouvoir ma main, mon avant-bras que le soir après minuit. Ensuite cela a été assez rapide. J’ai été placé sous une surveillance électronique et toutes les dix minutes une aide-soignante ou une infirmière venait s’assurer de la continuité du dégonflement.
Bilan de cette sortie de pêche : 48 heures à l’hôpital.
Donc pour tous ceux d’entre vous les pêcheurs qui iraient taquiner les poissons de ces régions, pensez à faire attention où vous posez vos mains (d’ailleurs chez nous aussi, les serpents existent).
Vipera berus, la Vipère péliade, est une espèce de serpent venimeux de la famille des Viperidae. Elle a une aire de répartition très étendue. On peut la trouver à travers toute l’Eurasie, de l’ouest (Royaume-Uni, Scandinavie, France, Belgique) à l’est de l’Asie (nord de la Chine et de la Mongolie, Corée du Nord, et même jusqu’à l’île de Sakhaline dans l’océan Pacifique), en passant par l’Italie, l’Albanie, la Croatie, la Macédoine, la Bulgarie et le nord de la Grèce. Au nord, sa répartition va même au-delà du cercle polaire arctique. Cette vipère est le seul serpent venimeux présent dans la moitié nord de l’Europe, que ce soit en Grande-Bretagne, au Benelux, en Allemagne, en Scandinavie, en Pologne, dans les pays baltes, en Russie ou dans le nord de la France.
Son corps relativement large, peut atteindre 60 cm à l’âge adulte mais a en moyenne une longueur de 55 cm, la taille variant selon la localité. Ainsi, les spécimens les plus grands se trouvent généralement en Scandinavie, certains individus pouvant dépasser les 90 cm (deux individus de 104 cm ont déjà été observés).