L’âge des poissons : scalimétrie, otolithométrie …
« La sclérochronologie, discipline qui étudie les pièces calcifiées dans le but de reconstruire l’histoire vécue par les organismes vivants, est essentielle pour la connaissance de la biologie des poissons et pour la gestion des pêches » (Panfili et al. 2002).
Cette discipline regroupe plusieurs techniques qui permettent notamment d’estimer l’âge d’un poisson à partir de l’observation de pièces calcifiées (noyau et stries de croissance). Les plus fréquemment utilisées sont la lecture des écailles ou scalimétrie et la lecture des otolithes ou otolithométrie.
La scalimétrie
La scalimétrie est une méthode permettant de déterminer l’âge des poissons (mais aussi des reptiles) à partir de leurs écailles. Elle est donc réservée par définition aux poissons à écailles et préférentiellement aux poissons des eaux des climats tempérées. C’est aujourd’hui la technique la plus utilisée pour l’étude démographique des populations de Salmonidés. Les écailles grandissent à partir d’un noyau (nucléus) par adjonction de cernes concentriques successives (« circuli ») pendant toute la vie du poisson. Elles présentent donc des stries de croissance comparables à celles que l’on peut observer sur un tronc d’arbre coupé. Le rythme de croissance varie suivant les saisons, la température de l’eau, la quantité de nourriture disponible, l’état de santé, etc. En été, les eaux chaudes sont favorables à la croissance rapide des poissons ; celle-ci est matérialisée au niveau des écailles par un espacement régulier des cernes d’accroissement (circuli épais et espacés) formant des zones claires. En hiver en revanche les basses températures obligent les poissons à réduire leur métabolisme d’activité afin de lutte contre le froid ce qui diminue sensiblement l’espacement des cernes (circuli fins et resserrés). Le résultat de cette réduction des espacements est l’apparition d’une zone sombre appelée anneau annuel de croissance ou « annulus ».
Très souvent les cernes d’été, plus espacées, coupent ou interrompent celles d’hiver. Ce phénomène ou « cutting over » est la confirmation de la présence d’un anneau de croissance annuel
Les écailles sont le plus souvent examinées en lumière réfléchie ou transmise à l’aide d’une loupe ou d’un microscope binoculaire ou encore d’un lecteur de microfiche (optique X5 à X50). Le prélèvement, qui ne nécessite pas de tuer le poisson, s’effectue en général au dessus de la ligne latérale au niveau de la nageoire anale. Plusieurs écailles sont nécessaires car certaines peuvent être abîmées. A noter qu’une écaille qui tombe est toujours remplacée !
Dans la pratique, chaque annuli observé correspond à un hiver, il suffit de compter les annuli pour connaître le nombre d’hiver passés et donc déterminer l’âge de l’individu. La croissance des écailles est également sensiblement proportionnelle à la croissance du poisson, il est donc possible en théorie de calculer la longueur du poisson aux différents stades de sa vie et d’avoir une idée du taux de croissance selon la formule suivante :
Taille à n année = (Taille totale mesurée x distance du noyau au nième annulus) / Distance totale du noyau au bord de l’écaille.
Otolithométrie
En ichtyologie, les otolithes sont considérés comme de véritables « boîtes noires », indices de tous les évènements marquants du poisson depuis sa naissance. L’otholite est une concrétion minérale (carbonate de calcium) contenue dans l’oreille interne des poissons osseux (3 paires) formée par déposition des couches successives. L’accroissement annuel se manifeste généralement par la présence de deux zones concentriques successives, une zone opaque correspondant à la majorité de la croissance annuelle et une zone creuse plus claire (hyaline) formée par le ralentissement de la croissance. Comme pour la scalimétrie, l’âge est donc déterminé en se référant aux couches concentriques. Considérée comme plus fiable, l’analyse otolithométrique permet aussi une lecture plus fine avec plusieurs niveaux de résolution : accroissements journaliers, saisonniers et annuels. Cette méthode s’accompagne inévitablement de la mort du poisson et les techniques utilisées sont également plus complexes que celles requises pour les écailles (lames minces, microscope électronique…).
Il a également été démontré que la composition chimique des otolithes comportent des marqueurs d’habitat. Une étude a ainsi été menée sur les saumons du bassin de l’Adour pour comprendre leur stratégie migratoire.
Scalimètrie et Otolithométrie permettent donc en définitive d’enregistrer des données sur l’état d’une population piscicole : taux de croissance des individus, structure en âge de la population, dynamique de la population, etc. Ces analyses permettent également sur certaines espèces comme le saumon de déceler les marques de reproduction ou de fraie, voire des événements ou incidents ayants stoppés la croissance …
Pour en savoir plus :
- Panfili (J.), de Pontual (H.), Troadec (H.), J. Wright (P.) Edit. : Manuel de sclérochronologie des poissons, IRD Éditions, Éditions Ifremer, 2002, 463 p.
- Manuel de science halieutique. Deuxième partie – Méthodes de recherches sur les ressources et leur application