Epandage de produits phytosanitaires et cours d’eau : que dit la loi…
Triste détenteur du record d’Europe de pulvérisation de pesticides (avec 5,4 kg pulvérisés par an et par ha contre 3 kg en moyenne en Europe) la France s’est dotée en 2017 d’un nouvel arrêté encadrant la mise sur le marché et l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants (Arrêté du 4 mai 2017 pris en application de l’article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime), ceci après l’abrogation par le Conseil d’Etat de l’arrêté du 12 septembre 2006 le 6 juillet 2016 qui règlementait l’usage des pesticides au bord des cours d’eau : bannir tout épandage, vidange ou rinçage à moins de 50 m des points d’eau, des caniveaux, des bouches d’égout et à moins de 100 m des lieux de baignade et plages, des piscicultures et zones conchylicoles et des points de prélèvement d’eau destinée à la consommation humaine ou animale.
Bien que cette nouvelle règlementation impose aussi un principe de précaution et de protection avec la mise en place de zones tampons (Zones Non Traitées ou ZNT), entre les parcelles traitées et les limites de propriété, une levée de boucliers de la part de la FNSEA a fait qu’au final aucune zone tampon n’a été définie pour protéger les riverains. Toutefois, une ZNT est mise en place pour protéger les points d’eau. Elles « peuvent être définies dans les décisions d’autorisation de mise sur le marché des produits en fonction de leurs usages, parmi les valeurs suivantes : 5 mètres, 20 mètres, 50 mètres ou, le cas échéant, 100 mètres ou plus. » (I de l’article 12). Dans tous, les cas, « en l’absence de mention relative aux zones non traitées dans ces décisions et sur l’étiquetage, l’utilisation des produits en pulvérisation ou poudrage doit être réalisée en respectant une zone non traitée d’une largeur minimale de 5 mètres » (III de l’article 12).
Mais – car il y a un mais – les termes retenus par l’arrêté pour définir la notion de « points d’eau » ont évolué. Dans l’arrêté du 12 septembre 2006, les distances devaient tenir compte des «cours d’eau, plans d’eau, fossés et points d’eau permanents ou intermittents figurant en points, traits continus ou discontinus sur les cartes au 1/25 000 de l’Institut géographique national (IGN)». Dans celui de 2017, seuls sont pris en compte les cours d’eau définis selon l’article L. 215-7-1 du code de l’environnement : « Constitue un cours d’eau un écoulement d’eaux courantes dans un lit naturel à l’origine, alimenté par une source et présentant un débit suffisant la majeure partie de l’année. L’écoulement peut ne pas être permanent compte tenu des conditions hydrologiques et géologiques locales ». Or la nouvelle cartographie, lancée sur simple instruction ministérielle de Ségolène Royal, sur laquelle se fondent les arrêtés préfectoraux pour identifier les ZNT ne prend en compte que les cours d’eau et les éléments hydrographiques présents sur les cartes au 1/25 000 de l’IGN, soit en définitive les plus évidents, laissant de coté le petit chevelu (têtes de bassin versant, zones humides…) qui à terme risque de disparaître. Cette sous-estimation est considérable et peut atteindre jusqu’à 30% selon les lieux !
Qui plus est la largeur des ZNT est désormais à la discrétion du préfet qui ne manquera pas de prendre l’avis de la FNSEA, qui a bien entendu activement contribué à cette cartographie en multipliant les demandes de déclassement des cours d’eau. Ainsi, par exemple pour les fossés, dont on sait qu’ils participent activement au phénomène de dispersion des pesticides, les ZNT applicables peuvent passer de 1 m à 30 cm selon les départements, voire carrément disparaître. Il en est de même des zones inondables…
Encore une belle illustration du triomphe des intérêts privés sur l’intérêt général