Quid des grands migrateurs ?
Mercredi 15 février, le Sénat a adopté « en catimini » et vraisemblablement sous la pression du lobby hydroélectrique un amendement à la loi relative aux énergies renouvelables et à l’autoconsommation qui, pour résumer, dispense tous les ouvrages, ayant une existence légale et une production hydroélectrique, sur un cours d’eau en liste 2 des obligations d’assurer la continuité écologique. Cette disposition a été adoptée contre l’avis du Gouvernement.
Que disait la loi sur l’eau et les milieux aquatiques ?
L’article L214-17 du Code de l’environnement stipulait pour les rivières classées en liste 2 que :
« 2° Une liste de cours d’eau, parties de cours d’eau ou canaux dans lesquels il est nécessaire d’assurer le transport suffisant des sédiments et la circulation des poissons migrateurs. Tout ouvrage doit y être géré, entretenu et équipé selon des règles définies par l’autorité administrative, en concertation avec le propriétaire ou, à défaut, l’exploitant. »
Ces obligations d’assurer ou de rétablir la libre circulation des poissons migrateurs et le transit des sédiments devaient se faire au terme d’un délai de cinq ans après la publication de la liste des cours d’eau (2013-2018, loi 2006), délai récemment prorogé de cinq années supplémentaires.
On est en 2017 ?
Que dit l’amendement du 15 février 2017 ?
Validé par l’Assemblée nationale, l’article 3bis de la loi sur l’autoconsommation énergétique a été inséré dans le code de l’environnement.
« Art. L. 214-18-1. – Les moulins à eau équipés par leurs propriétaires, par des tiers délégués ou par des collectivités territoriales pour produire de l’électricité, régulièrement installés sur les cours d’eau, parties de cours d’eau ou canaux mentionnés au 2° du I de l’article L. 214-17, ne sont pas soumis aux règles définies par l’autorité administrative mentionnées au même 2°. Le présent article ne s’applique qu’aux moulins existant à la date de publication de la loi n° X du JJ/MM/AA ratifiant les ordonnances n° 2016-1019 du 27 juillet 2016 relative à l’autoconsommation d’électricité et n° 2016-1059 du 3 août 2016 relative à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables et visant à adapter certaines dispositions relatives aux réseaux d’électricité et de gaz et aux énergies renouvelables. »
Officiellement la liste 2 vient donc d’être purement et simplement retirer au niveau de la continuité écologique des cours d’eau ! Mais sur le fond, qu’est-ce que cela veut dire réellement ? Que le classement actuel des rivières n’a aucune valeur ? Que la démarche scientifique est mauvaise ? Que son constat n’est pas bon ? Oui, certains en sont persuadés, les « rentiers de la turbine » notamment, en mettant en avant l’intégrisme des pêcheurs et de tout autre obstacle qui freinerait leur petit profit.
Non content de remettre en cause le principe même de continuité écologique, ce nouveau couperet est une atteinte aux services en charges de la gestion des milieux aquatiques, l’Onema en premier lieu et bien entendu la toute nouvelle Agence française pour la Biodiversité, les Schémas d’aménagement régionaux, les Plans de gestion, les instances officielles de la pêches (fédérations, Aappma), etc.
C’est un véritable désaveu ! Qui plus est, le principe de non-régression, selon lequel « la protection de l’environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l’environnement, ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante » est carrément bafoué ! Bien entendu, supprimer un seuil ou installer des PAP ne sauraient être les seules solutions mais ces démarches font parti des solutions. Parler de « dérives » à ce sujet comme l’écrit l’OCE dans un article du 9 février 2017 intitulé « La destruction des moulins, c’est fini? On va pouvoir s’occuper de l’amélioration de la qualité de l’eau » est un camouflé alors même que la loi 2006 n’a pas été suivie d’applications à la hauteur des engagements pris alors.
Les intérêts personnels de quelques uns avant l’intérêt général : voilà comment ruiner tous les efforts entrepris depuis plusieurs années.
A quand l’abrogation de l’article L210-1 du code de l’environnement « L’eau fait partie du patrimoine commun de la Nation ? L’eau res publica l’est de moins en moins ! Et au fait, qu’en est-il des grands migrateurs ? La quasi totalité des cours d’eau à migrateurs sera impactée par le biais de cette loi…