La pêche au toc : depuis quand ?
Si l’histoire de la pêche peut se confondre avec celle de la chasse, et donc remontée à l’aube de l’humanité, celle de la pêche à la ligne en revanche marque un tournant dans l’histoire de l’humanité et des techniques dans la mesure où le pêcheur n’est plus opportun en attirant une proie grâce à un appât.
Brève histoire de la pêche à la ligne
Les premières traces tangibles de pêche à la ligne remontent à la fin du paléolithique puis au Néolithique. Il s’agit d’hameçons confectionnés en os ou en ivoire, voire en bois. Mais l’utilisation d’une canne n’est vraiment attestée qu’à partir du deuxième millénaire avant notre ère en Egypte. Les premiers hameçons en métal sont d’abord en cuivre puis en bronze. Ils ne comportent pas d’ardillon mais parfois un œillet de fixation. Il faudra attendre l’Antiquité pour avoir des hameçons tels que nous les connaissons aujourd’hui.
La première description de pêche à la ligne se trouve dans le « Natura Animalium » où Claude Aelien (200 ap. J.-C.) décrit une technique de pêche macédonienne consistant à leurrer des poissons tachetés à l’aide d’hameçons recouverts de laine rouge et cerclés de plumes de coq.
En 1496, est imprimé le premier traité de pêche « Treatyse of Fishing with an Angle ». Il s’agit de la troisième partie du Livre de St-Alban (« Book of St-Alban ») sorte de guide de savoir vivre à l’usage de la noblesse, dont l’auteur présumé serait Dame Juliana Barners. Il répertorie les poissons, le matériel de pêche, les appâts, les techniques et même une série de mouches. C’est au XVIIème siècle que la littérature consacrée à la pêche à la ligne s’étoffe vraiment avec le livre « The Compleat Angler » (« Le Parfait Pêcheur à la ligne ») d’Izaac Walton publié en 1653 puis complété par Charles Cotton en 1676.
Considéré comme un des chefs d’œuvre de la littérature anglaise, le plus réédité à ce jour après La Bible et Shakespeare, cet ouvrage aborde le thème de la pêche à la ligne sous la forme d’un dialogue entre plusieurs personnages, notamment entre le pêcheur passionné « piscator »et « venator » le chasseur.
Pièce d’anthologie, « The Compleat Angler » est avant tout resté célèbre en raison de son atmosphère très particulière, faite de sérénité et de communion spirituelle avec la nature. C’est cette approche particulière et élitiste que l’on rencontre encore aujourd’hui chez les pratiquants de la pêche à la mouche. Cet état d’esprit se retrouve par exemple dans le film « Et au milieu coule une rivière ».
Au XXème siècle les progrès technique font évoluer la pêche, le moulinet à frein incorporé est inventé en 1913 et le moulinet à tambour fixe en 1930. Les premières cannes à pêche dite modernes n’apparaissent qu’en 1840, réalisées en bambou refendu. Jusqu’en 1940, les cannes sont en roseau, en bambou ou en métal. Les bas de ligne sont en crin de cheval ou en soie.
Par la suite les matériaux se modernisent avec des cannes en aciers ou en aluminium (Duralumin), matériaux qui seront très vite remplacés par la fibre de verre, puis par la fibre de polyester.
Le carbone ne sera utilisé qu’au début des années 90 qui virent apparaître d’autres matériaux tel que le bore, le kevlar, le graphite… Le nylon quant à lui est inventé en 1942 par Dupont de Nemours.
La pêche au toc
Si la pêche au toc est naturellement issue de techniques de pêche très anciennes, la pêche de dérive aux appâts naturels – telles que nous la connaissons – est manifestement originaire des vallées pyrénéennes et plus particulièrement du Comminges. En effet, l’affirmation de ses grands principes a véritablement été développée dans le premier ouvrage de Léon Foch (1898-1974), « L’art de pêcher la truite », paru en 1928 puis dans son second ouvrage, « Avec dame truite », véritable Bible de la pêche au toc, édité pour la première fois en 1961. L’auteur, instituteur à Soueich dans l’Ariège, fabuleux observateur, signale pour la première fois l’importance de la dérive naturelle de l’appât. Peu de temps après, en 1966, Célestin Terrade, autre fameux pêcheur, publiera « Pêche sportive de la truite. Ses secrets, ses charmes » avec, s’il vous plait, une préface de L. de Boisset ! Après ces pionniers du « toc », viendra Jean Lamoure, également grand pêcheur Commingeois, qui publiera en 1973 « La truite en eau vive – Méthodes modernes du toc ». Très technique, il introduit la notion de plombée étalée et progressive et préconise les cannes courtes d’alors. Puis, ce sera « Le Guide Arias du vrai pêcheur de truites » avec une première édition en 1988. Alphonse Arias apportera, entre autres, à la discipline les plombées légères.
En 1997, Pierre Sempé, un maître de la pêche au toc, marque un tournant avec son livre « Ma pêche au Toc – Une autre pêche ». Sans révolutionner la méthode, il a contribué à moderniser la pêche au toc et à en faire une technique à part entière aussi « noble » que celle des moucheurs.
D’autres ouvrages consacrés au « toc » se succéderont, notamment deux livres de Robert Menquet, guide de pêche et élève de Foch et d’Henri Soueix (fabriquant de fabuleuses fil intérieur en roseau et inventeur du prolongateur des Ritma) : « Le toc, technique d’hier et d’aujourd’hui ou l’art de pêcher la truite aux appâts naturels » publié en 2000 et « Le Toc : pêche des Pyrénées » en 2009.
Parmi les grands noms de la pêche au toc, on peut également citer le toulousain Lucien Larripa, champion des Pyrénées en 71 et 72 ou François Ducos, fameux tocqueur et fabriquant de la célèbre Manoise ou encore Lucien Louis Carrère le tarbais, inventeur du moulinet à talon Corsec en 1953.
Vient enfin la dernière génération avec Olivier Plasseraud, Marc Delacoste et Laurent Jauffret, tous trois concepteurs de matériel de pêche au toc ainsi que Lionel Armand, un fameux guide de pêche des Pyrénées Atlantiques.
Cette liste de tocqueurs renommés est évidement loin d’être exhaustive mais tous ont marqué l’histoire de la discipline. Mais la palme revient peut-être à Monsieur Duborgel avec cette phrase comme lui seul en avait le secret :
« Pêcher le lent du rapide, et le rapide du lent. »
Bibliographie
- Aurnague William 2008 : La pêche au toc. Éditions Sud Ouest, 128 p.
- Aurnague William 2000 : Connaître la pêche au toc : Truites et salmonidés aux appâts naturels. Éditions Sud Ouest, 64 p.
- Arias Alphonse 1988 : Le guide Arias du vrai pêcheur de truite. Saint-Gaudens : Édiloisir, 190 p.
- Arias Alphonse 2008 : Toutes mes techniques aux appâts naturels, Alphonse Arias Éditions,222 p.
- Duborgel Michel1959 : Traité pratique de la pêche. Les traités pratiques Morgan, 1959, 934 p.
- Duborgel Michel 1961 : La pêche et les poissons de rivière. Le Livre de Poche, 1961, 376 p.
- Faucher Jean Claude 1981 : Bréviaire du pêcheur de truites. Le toc le lancer la mouche. Éditions Amphora, 238 p.
- Lamoure Jean 1973 : La truite en eau vive – Méthodes modernes du toc. Éditions Pyrégraph, 125 p.
- Lamoure Jean 2004 : La truite au toc en petits, moyens et grands cours d’eau et dans les lacs de montagne. Éditions Pyrégraph,160 p.
- Menquet Robert 2000 : Le toc, technique d’hier et d’aujourd’hui ou l’art de pêcher la truite aux appâts naturels. Edition Gerfaut, 159 p.
- Menquet Robert 2009 : Le Toc : pêche des Pyrénées. Éditions La Cheminante, 144 p.
- Misslin Francis 1992 : La pêche à la truite au toc. Paris : Éditions Bornemann.
- Foch Léon 1928 : L’art de pêcher la truite. Imprimerie J. Fournié, 120 p.
- Foch Léon 1961 : Avec dame truite. Imprimerie J. Fournié, 393 p.
- Sempé Pierre 1997 : Ma pêche au Toc – Une autre pêche. Éditions Bodeva, 175 p.
- Sempé Pierre 2014 : La truite aux appâts vivants. « Une autre pêche ». Applications et technique.
- Schmidt Klaus 1981 : Le grand livre des appâts naturels. Éditions de Vecchi, 158 p.
- Terrade Céléstin 1966 : Pêche sportive de la truite. Ses secrets, ses charmes. Éditions Amphora, 114 p.