« Ma plus belle truite » : Laurent Missana
Laurent Missana, notre béarnais préféré, fidèle de l’Ossau, nous conte ici une rencontre que beaucoup aimerait avoir un jour !
Un souvenir qui restera gravé dans ma mémoire!
Cette histoire remonte à environ une vingtaine d’années. Accompagné de mon inséparable frangin, nous fréquentions déjà à cette époque le très prisé Gave d’Ossau dans son bois du Bager. Vous l’aurez compris, je n’aime pas le bois du Bager, j’adore cet endroit !
Une journée de pêche semblable à une autre, une météo favorable et des eaux encore un peu teintées par la fonte des neiges. Qu’importe, le niveau est correct, nous déployons nos cannes à la pointe du jour. Les appâts du jour seront des vers de berge ramassés la veille et des petites teignes.
Nous décidons de nous séparer en ce début de matinée, Alain prospecte les postes avec minutie et s’attarde à peigner tous les coups qui s’offrent à lui. De mon côté, j’avance plus rapidement et après quelques réglages de circonstances, quelques touches timides viendront tout de même satisfaire ma patience légendaire. Les truites sont boudeuses, deux heures se sont écoulées et seulement trois poissons touchés. Je décide de rejoindre mon binôme du jour qui est plus en verve que moi. Seulement deux truites mais deux belles de 40+.
Une petite pause casse croûte à 10h00, histoire de recharger les batteries, et je décide de refaire le circuit à l’envers. Les eaux sont toujours un peu fraîches mais je risque le tout pour le tout, la teigne tentera peut être ces indomptables mouchetées.
Rien à faire, l’activité semble au ralenti ce matin. Je décide de modifier ma plombée pour la énième fois de la matinée. J’arrive sur le dernier spot, un courant que je connais par cœur.
J’ajuste parfaitement la teigne et après un premier passage, je relance un plus haut au niveau de la tête du courant. Un arrêt net de la ligne me fait penser dans un premier temps que j’ai accroché le fond. Je ferre avec autorité sans me douter du scénario à venir.
Au même moment, je n’arrive pas encore à réaliser le spectacle qui s’offre à mes yeux. Ce que je crois être une truite saute devant moi, mais à bien identifier sa robe et surtout la taille inhabituelle, je dois me rendre à l’évidence : c’est le poisson roi des Gaves qui est venu taper à ma porte « Le Saumon Atlantique ».
Mon cœur bat la chamade, je n’ai jamais touché de saumon de ma vie. Il s’est calé là devant moi comme pour me narguer, J’en mène pas large avec mon 12/100 en bas de ligne. Un peu pris de panique j’appelle de toutes mes forces mon frère. Sans succès, je me lance dans un combat perdu d’avance… J’essaye tant bien que mal de le tenir à distance afin de pas le perdre de vue.
Au bas mot je dirais 65+, majestueux saumon !
Je suis certes crispé par l’enjeu mais je lui donne le change du mieux possible. Je le tiens malgré tout dans un rayon de moins de 10 mètres. Pourvu qu’il ne prenne pas le courant juste en aval ! Ma canne d’alors très parabolique (je ne citerais pas la marque !) plie mais ne rompt pas.
Je profite néanmoins pleinement de ce moment magique qui s’offre à moi. Ça me semble une éternité. Il me faut prendre une décision, on ne manœuvre pas un tel poisson comme une truite de 40 cm. Je décide avec l’énergie du désespoir de le guider vers le bord, il semble être réceptif et je n’ai jamais été aussi près de lui… Je garde toujours la tension et commence à rentrer quelques centimètres de fil dans le moulinet. Je m’approche pour venir à lui et j’ai le temps de réaliser une dernière fois que je tiens dans les mains mon rêve halieutique.
D’un coup de tête, il balaye d’un revers mon plan B. Finalement pas du tout fatigué, il gagne le courant en aval et malgré ma ténacité, mon bas de ligne finit par céder…
Je reste humble et modeste, un peu déçu certes mais conscient que ces deux minutes resteront à jamais graver dans ma mémoire.
Ce n’est pas la plus belle truite que je vous ai présenté aujourd’hui mais mon plus beau combat, celui d’un pêcheur passionné avant tout !
Amitiés halieutiques
Laurent Missana