Les Fous de toc se lâchent…Guy Trouette
Guy Trouette
La belle du pont
C’était par un doux matin d’avril. Les premières lueurs du jour pointaient au-dessus des arbres. Quelques oiseaux se réveillaient et me saluaient poliment. La rivière coulait tranquillement, et son friselis semblait me dire : « allez, viens ». J’avais un sentiment inexplicable de sérénité lorsque je montais ma canne. Comme quoi ce matin allait être un bon moment de pêche, pourquoi ?
C’est légèrement en aval des piles d’un pont que je décidais de commencer ma partie de pêche.
Après avoir réglé mon rigoletto, je lançais ma ligne en amont de ce qui me semble être une cuvette creusée par les crues hivernales : elle n’était pas présente la saison précédente. Mais deux premiers passages ne furent que promenade pour mon ver. Il me semblait que ma profondeur de dérive n’était pas bonne. C’est vrai que je n’ai alors senti aucun gratouilli de ma plombée sur le fond. Je décidais donc de décaler de quelques centimètres mon rigoletto. Cette foi ma dérive me convenait davantage. Après avoir terminé celle-ci, je relançais ma ligne et entamais une nouvelle coulée en parallèle, mais une quarantaine de centimètres plus au large.
C’est en fin de coulée que mon rigoletto s’est stoppé, suivi de deux petits tremblements vers la gauche. Mon ver venait d’être goûté… Ferrage et boum boum, coups de tête et violent démarrage vers le profond. Ah,bonjour ma belle ! Deux petits tours du « trou » puis nouveau départ, mais vers le rapide aval. Oh non ! pas ça ! Je bride, en 12/100ème, nous allons bien voir. Ouf, ça marche. La revoilà dans le trou. Quelques coups de tête rageurs, et trois tours d’arène plus tard, la voilà dans le filet de mon épuisette.
Qu’elle est belle avec ces points noirs et ses grands yeux. Quarante-deux centimètres tout de même et un sale caractère. Je n’arrivais pas à me rassasier de la beauté de cette truite vaillante qui s’était courageusement défendue.
Tiens, je te rends ta liberté, j’aimerais bien te revoir… Je ne me suis pas rendu compte qu’au même instant un joli écureuil me surveillait sur sa branche et semblait me dire : « c’est bien tu peux revenir toi ».
Quelle belle matinée d’avril !