Installations hydroéléctriques : ce que dit la réglementation…

Installations hydroéléctriques : ce que dit la réglementation…

En matière de réglementation, les installations hydroélectriques sont principalement soumises à la loi du 16 octobre 1919 relative à l’utilisation de l’énergie hydraulique qui instaure un régime de concession au-delà d’une puissance de 4 500 kW et d’autorisation en deçà. Les deux régimes sont soumis à la loi n°92-3 du 3 janvier 1992 sur l’eau dite « Loi sur l’eau », codifiée au titre I du livre 2 du code de l’environnement et constituant la base juridique de la « police de l’eau ».

La loi sur l’eau de 1992 a pour principe général :

  • la préservation des écosystèmes aquatiques et les zones humides ;
  • la conciliation de la protection de l’environnement et les activités économiques et sociales – la valorisation et le développement de la ressource en eau ;
  • la protection et la restauration de la qualité de l’eau.

« L’eau fait partie du patrimoine commun de la nation. Sa protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, sont d’intérêt général. »

L.210 du Code de l’Environnement, Livre II, Titre 1
Carte des obstacles à l’écoulement dans les Pyrénées : hallucinant, non !

Par ailleurs dans le cadre de la « Directive européenne Eau » d’octobre 2000, la Loi sur l’Eau et les Milieux Aquatiques promulguée le 30 décembre 2006 (LEMA) a rénové le cadre global défini par les lois sur l’eau avec comme ambition le « bon état » des eaux d’ici 2015 !
C’est à cette occasion qu’a été créée l’Office National des Eaux et des Milieux Aquatiques (ONEMA), qui s’est substitué au Conseil supérieur de la pêche (CSP), et la Fédération Nationale de la Pêche et de la Protection du Milieu Aquatique (FNPPMA), dans le cadre de la refonte de l’organisation de la pêche en eau douce.
Concernant l’hydroélectricité>, on notera en particulier les points suivants dans cette loi qui comptent 102 articles :

  • l’autorisation d’installations hydrauliques modifiée au plus tard en 2014 si leur fonctionnement ne permet pas la préservation des poissons migrateurs. Dans le même délai, ces ouvrages doivent, sauf exception respecter un débit réservé de 10% du débit moyen (qui était de 2.5%).
  • l’obligation de respect de la continuité écologique imposée aux ouvrages sur certains cours d’eau, pouvant aller jusqu’à l’interdiction d’implanter des ouvrages.
  • le débit affecté ( » tranches d’eau » réservées dans les barrages) étendu à tous les cours d’eau et aux ouvrages hydroélectriques.
  • – renforcement des contrôles et sanctions administratives.

Un des points forts en matière d’ouvrages hydroélectrique est la notion de débit réservé qui, pour faire court, correspond au débit minimal obligatoire d’eau que les exploitants doivent réserver au cours d’eau et au fonctionnement minimal des écosystèmes. La loi sur l’eau fixe ainsi le débit réservé :

  • 1/10e du débit annuel moyen (module) pour tout nouvel aménagement,
  • 1/20e pour les ouvrages situés sur un cours d’eau dont le module est supérieur à 80 m3s
  • 1/40e pour les aménagements existants.

Ces seuils sont calculés d’après le débit moyen interannuel enregistré (généralement pour une période de cinq ans). Mais sur quelles bases ? On imagine sans peine les cours d’eau en période d’étiage !
Un exemple édifiant, la future centrale du Moulin de Mourlasse à Lacourt sur le Salat, rivière qui rappelons-le est classé comme un axe à grand migrateurs amphihalins et réservoir biologique déjà équipé de 21 centrales hydroélectriques en aval du site projeté !
Ce projet fait état d’un débit moyen interannuel sur 20 ans de 22,9 m³/s extrapolé à partir de stations situées en amont (Kercabanac et Arac). Il est mentionné, je cite : « La somme de ces deux débits majorée de 10 % donne une bonne approximation du débit au niveau de la commune de Lacourt » (sic !). Mieux encore, l’objectif est de prélever un débit de 22,5 m³/s, hors avec un débit moyen mensuel de la rivière en m³/s qui varie sur l’année entre 10 et 45, 7 mois sur 12, dont évidement la période estivale, sont inférieurs à ce seuil. Quid de l’écoulement de la rivière ? 

Autre sujet des plus préoccupants et qui malheureusement montre leur limite avec l’incident survenu sur la Neste d’Aure le 22 juin 2016 : la question des vidanges. Une circulaire ministérielle en particulier, en date du 9 novembre 1993 stipule en guise d’introduction :

« Les dispositions de l’article L.232.9 du code rural introduites dans ledit code par la loi n°84-512 du 29 juin 1984 relative à la pêche en eau douce et à la gestion des ressources piscicoles prescrivent que les opérations de vidange des plans d’eau doivent être autorisées par arrêté préfectoral.« 

Il est également précisé que :

« Les vidanges périodiques des barrages de retenue, dont la hauteur est supérieure à 10 m ou dont le volume de la retenue est supérieur à 5 000 000 m3 font l’objet d’une autorisation valable deux ans, les vidanges périodiques des autres barrages de retenue font l’objet d’une autorisation unique valable pendant une durée qui ne peut être supérieure à trente ans. »

On notera également la remarque suivante qui pour le moins « prête à sourire » :

« Elle [la vidange] est généralement prévue lors de conditions hydrologiques faibles à moyennes et toutes les mesures doivent être prises, en particulier au niveau de la vitesse d’abaissement du plan d’eau, pour éviter l’entraînement de sédiments« .

L’hypocrisie est malheureusement de mise un peu partout. EDF et consorts se targuent, parfois à grand frais de communication, d’être un des acteurs majeurs du développement durable avec une énergie propre et renouvelable : de véritables partenaires de l’environnement ? Rien n’est moins sûr !

En guise de conclusion :

  • ce que dit le ministère :
  • « L’hydroélectricité est la première source d’électricité d’origine renouvelable en France. En tant que telle, son maintien et son développement optimal sont soutenus par le ministère. Mais les installations permettant de produire l’électricité à partir de la force hydraulique (barrages, dérivation, turbines) ont des impacts forts sur l’état des cours d’eau et des milieux aquatiques. Le ministère est également engagé dans l’atteinte des objectifs de bon état des cours d’eau imposés par la directive cadre sur l’eau et dans la préservation de la biodiversité. Le ministère s’attache donc à concilier les enjeux de ces deux politiques. La réglementation relative aux installations hydroélectriques est tournée vers la meilleure optimisation énergétique associée à la meilleure réduction et compensation des impacts possible. » (source : Ministère de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer).
  • ce que fait le ministère : « Ségolène Royal a lancé, le 26 avril, en clôture de la conférence environnementale 2016, un appel d’offres pour le développement de petites installations hydroélectriques. Son objectif est de développer près de 60 MW de nouvelles capacités, ne relevant pas du régime de la concession, pour relancer la filière. »(source : Ministère de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer)

De nombreux textes de loi régissant les entreprises hydroélectriques sont présents dans le code de l’énergie, le code de l’environnement… Vous pouvez les retrouver dans ce recueil accessible ici.
A lire aussi : Guide des instructions de police des autorisations hydroélectriques d’une puissance inférieure ou égale à 4 500 kw, élaboré en septembre 2007 est en cours d’actualisation.
Sur le même sujet, je vous invite également à lire un très bon « coup de gueule » de nicolas65 sur son blog : « Hydro-électricité : la grande hypocrisie » A propos de la centrale du Moulin de Mourlasse à Lacourt, un article du CEA09 de mars 2013 : Micro-centrale hydraulique de Lacourt. Ce n’est pas fini

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