Les Fous de toc se lâchent…Fabrice Pons

Les Fous de toc se lâchent…Fabrice Pons

Fabrice Pons

Une fois n’est pas coutume, je ne vous parlerais pas de Toc pour la série « Les Fous de toc se lâchent… » mais de « mouche. Car oui, j’ai pratiqué très jeune et pendant plus de 15 ans la PALM sur la rivière de mon enfance et dans de nombreux cours d’eau de l’Aveyron.

Ma première canne à mouche

Je me vois encore enfourchant mon Peugeot 103 pour dévaler la route tortueuse qui menait jusqu’à la rivière, ma rivière, celle de mon enfance : l’Aveyron. Je n’étais séparé d’elle que d’à peine cinq petits kilomètres et la descente au paradis était toujours une joie incommensurable.
Dans les années 80, nous n’étions guère que quelques rares fous à traquer truites, barbeaux, cabots, sièges, goujons et vairons qui peuplaient alors ce cours d’eau en aval de Rodez. Mon secteur de prédilection, « Le Pont de Mirabel », nom qui résume à lui seul la beauté des lieux. L’Aveyron, alors sans obstacles, s’écoulait avec la frénésie d’un torrent dans des méandres schisteux grandioses. La pêche aux appâts naturels était évidemment de mise, surtout en début de saison, mais on pratiquait aussi volontiers « le lancer à la cuillère » et « la mouche à la Buldo, comme on disait à l’époque.
A Rignac, bourg le plus proche, existait un magasin d’article de pêche qui était d’ailleurs aussi un magasin de chaussures et de vêtements. Un modeste rayon de quelques cannes, rarement renouvelé, trônait devant un vieux comptoir en bois qui laissait apparaître dans de petits casiers, bouchons, hameçons et plombs ainsi que quelques mouches artificielles.
Alors que je me rendais au magasin pour me procurer quelques hameçons Mustad forgés bleu, à la pièce s’il vous plait !, je vis alors une canne à mouche, probablement une des premières jamais proposée. Mon sang ne fit qu’un tour et je décidais de dépenser les quelques « sous » que je venais de gagner en faisant les saisons. C’était une canne de 9 pieds en conolon de couleur vert foncé et de marque inconnue. Je craquais aussi pour un moulinet automatique Fly-matic Super Export qui étincelait dans sa boite noire. J’y ajoutais une soie WF4 et deux queues de rat. Pour les mouches, j’avais déjà tout ce qu’il fallait, je les fabriquais moi-même depuis quelques temps après avoir suivi assidûment les conseils prodigués par le ruthénois Jean-Pierre Comby dans ses ouvrages.
Bien décidé à étrenner ce nouvel équipement au plus vite, ma toute première canne à mouche, je me précipitais vers la rivière. C’était au mois d’août et je savais que les mouchées ne débuteraient pas avant la fin de la journée. Je connaissais un secteur bien dégagé où la largeur du lit me permettrait de lancer sans risque d’accrochage et de pertes accidentelles de mes mouches.
Après avoir consciencieusement monté mon matériel, je débutais par quelques essais de lancers droits relativement courts. Bien que n’ayant jamais utilisé auparavant de « fouet », j’avais tellement lu et relu « Mouche sèche en eaux rapides » de Jean-Pierre Comby que le « geste » m’est venu tout naturellement comme si je l’avais intégré en moi. J’augmentais progressivement la longueur de mes lancers et commençais à pêcher à des distances raisonnables. Bien vite, je compris comment éviter ce fameux dragage et présenter ma mouche le plus délicatement possible. J’étais prêt ! 
Le jour commençait à tomber, la journée avait été chaude, très chaude et le temps était à l’orage avec sa moiteur si caractéristique. C’est alors qu’une véritable nuée d’éphémères est venue envahir la rivière avec des milliers, des millions d’éclosions d’ailes blanches. La rivière était en ébullition, je n’avais jamais vu cela, des gobages partout autour de moi ; c’était tout simplement féerique ! 
Mais comment faire pour lancer une mouche dans toute cette confusion ? L’obscurité se rapprochant inexorablement, il me fallait une grosse mouche, voilà la solution ! J’optais donc pour la plus imposante que je possédais, une sorte d’imitation de mouche de mai, on verrait bien ! Premier lancé à environ trois quatre mètres et gobage immédiat, je ferre, non pas à vue mais à l’oreille, et c’est une première mouchetée de plus de 30. Le temps de la décrocher, j’aperçois un minuscule gobage à moins de deux mètres de moi, je projette ma mouche sans fouetter et je ferre presque immédiatement au posé. Bingo ! Un magnifique poisson de plus de 40 que je ramènerais le plus vite possible pour ne pas perdre de temps. Excité comme jamais, je prendrais plus d’une vingtaine de truites, toutes plus belles les unes que les autres, et en décrocherais tout autant en moins d’une demi-heure, une demi-heure de pure folie !
Une « manne » comme je n’en ai jamais plus revue, juste un souvenir, un souvenir d’une autre époque où il y avait encore du Poisson dans l’Aveyron, rivière qui ne coule plus aujourd’hui, segmentée et atrophiée par une multitude de microcentrales…

Note : L’Aveyron qui était classée en première catégorie de sa source à Villefranche-de-Rouergue est aujourd’hui classée en seconde à partir de Gaillac-d’Aveyron soit plus d’une centaine de kilomètres déclassée.

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